Mardi 11 février, très riche présentation des romans d'Amélie Nothomb, par Christine D. (Extraits)
Fabienne Claire Nothomb dont le nom de plume est Amélie
Nothomb, est née le 9 juillet 1966 en Belgique, à Etterbeek dans la région
de Bruxelles. (Dans sa biographie romancée elle serait née le 13 août 1967 au
Japon, dans la ville de Kobe, dans la région du Kansai.). Très jeune elle ressent le besoin vital d’écrire. Elle
revient au Japon de1988 à 1991 car ce pays la fascine.
C’est en 1992 qu’a démarré sa carrière officielle
d’écrivain, avec la publication de son premier roman : Hygiène de l’assassin. Elle a ensuite écrit
de nombreux romans, une seule pièce de théâtre « Les Combustibles » et plusieurs contes et nouvelles.
Ses écrits autobiographiques ou de fiction sont traduits dans quarante langues.
En réalité, elle écrit trois à quatre romans par an mais un seul est publié
tous les ans aux éditions Albin Michel. Ses œuvres sont courtes, surprenantes
et invitent à la réflexion sur la condition humaine. Elle a obtenu plusieurs
prix littéraires et elle dit vivre
« une grande histoire d’amour avec ses lecteurs » dont elle reçoit de
nombreux courriers auxquels elle prend le temps de répondre. Certains livres ont été transposés au
cinéma comme Stupeur et Tremblements, grand
prix 1999 du roman de l’Académie Française. (photo wikipedia 2009)

L’univers littéraire d’Amélie
Nothomb : Les
titres étranges de ses romans accompagnés d’une photo du visage expressif
d’Amélie Nothomb sont d’emblée une invitation à la lecture (Hygiène de l’assassin, Acide sulfurique,
Métaphysique des tubes…) La situation
narrative de départ est embarrassante, étouffante (dans Les Combustibles un
confinement dans une froide bibliothèque pendant un état de siège, dans Mercure une jeune femme ignorant sa
beauté séquestrée sur une île par un vieillard…) Les personnages peu nombreux sont extraordinaires, décrits minutieusement, vivant en huis-clos, martyres
et bourreaux à la fois. Leurs prénoms et noms sont souvent rares,
invraisemblables (Epiphane Otos, Énide, Honorat, Zdena …) Ils peuvent être choisis en fonction du son et du sens (Melvin Mapple équivaut à
« Melvin m’appelle », dans Prétextat
Tach on entend « prétexte à tache »). Certains prénoms classiques
sont empruntés à la littérature comme
Adèle, Léopoldine… Le prénom atypique permet aux personnages de se
distinguer de la masse, d’affirmer leurs caractères exceptionnels. La
question de l’identité et de la reconnaissance est posée. Le cadre
spatio-temporel est particulier. Amélie Nothomb invente des noms de lieux
symboliques : par exemple, Nœud
et Mortes-Frontières dans Mercure représentent un port et une île
imaginaires où se trame une sombre machination. Le lecteur ne situe pas
l’époque dans la plupart des romans car les sujets évoqués sont intemporels,
touchant aux angoisses humaines ou au sacré. Quelques descriptions de paysages
et de traditions de pays réels traversés par l’écrivaine figurent dans les
récits autobiographiques avec des repères chronologiques historiques, en
particulier pour le Japon. Les thèmes récurrents sont le Japon, la beauté et la
laideur, l’amour et la haine, le bien et le mal, la vérité et le mensonge, la
faim et la soif, Dieu et Jésus, le métier de l’écrivain et sa relation avec le
lecteur. La condition humaine est explorée dans sa complexité. La beauté et la
laideur physiques ont un tel pouvoir de fascination qu’ils sont des points de
départ à des histoires extravagantes. A travers des péripéties incroyables
racontées comme des intrigues policières qui tiennent le lecteur en haleine,
l’amour fou conduit au mensonge, à la jalousie, à la misanthropie, au meurtre, au
suicide. Les personnages féminins surtout se distinguent par leur grande beauté
physique, leur grâce, leur minceur, leur délicatesse (comme Hazel dans Mercure ou Léopoldine dans Hygiène de l’assassin…) Mais la beauté physique
n’est pas forcément le reflet d’une belle âme, par exemple quand il s’agit d’absence
d’amour parental comme dans Frappe toi le
cœur et Les prénoms épicènes. La
laideur physique très bien décrite elle aussi (comme celle d’Epiphane Otos dans
Attentat ou celle de Prétextat vieux
et obèse dans Hygiène de l’assassin) ne
correspond pas toujours à la noirceur de l’âme (Déodat le gentil surdoué en est
un exemple dans Riquet à la Houppe).
Lorsque la beauté est absente, une manière de se valoriser est la maîtrise du
langage (ainsi Prétextat et Nina la journaliste se livrent avec talent à une longue
joute oratoire sans pitié dans Hygiène de
l’assassin) ou de l’écriture (Melvin Mapple dont l’obésité est monstrueuse rédige
des lettres pathétiques à l’écrivaine dans Une
forme de vie). La préoccupation pour le corps, la quête identitaire, le
droit à la différence, la contagion de la folie de l’amour paroxystique sont
prépondérants. L’auteure n’hésite pas aussi à revisiter certains contes comme Barbe Bleue, Riquet à La Houppe .En
2019, elle imagine le monologue intérieur de Jésus pendant son procès et sa crucifixion dans Soif « le roman de sa vie »qui n’a pas obtenu le prix
Goncourt. Les angoisses primaires comme le froid, la faim et la soif apparaissent
souvent liées aux angoisses métaphysiques, à la faim et à la soif d’absolu. Certains
de ses personnages, comme elle, se prennent pour Dieu ou pour Jésus ou se
posent en martyres. Dans son œuvre, l’écriture est une forme de vie, un
partage, une sorte de thérapie où vérités et mensonges se mêlent. Le lecteur plonge dans l’intériorité du personnage grâce à de
nombreux détails, à des dialogues incisifs, à des monologues intérieurs. Amélie
Nothomb maîtrise l’art du dialogue, invente des mots, utilise des
registres de langues variés avec un savant mélange sublime, poétique, familier,
grossier, humoristique, poétique. Le décalage entre niveaux de langue l’effet
comique, parfois ironique. L’humour et l’autodérision sont fréquents. Les
œuvres d’Amélie Nothomb sont donc destinées non seulement à nous divertir, mais
aussi à stimuler notre intelligence et à nous plonger dans notre inconscient.
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