vendredi 4 février 2011

Les Plessis-Farneau de Michel Doré

MICHEL DORÉ - LES PLESSIS-FARNEAU - Tome Premier - LA BOULANGE - Roman éditions de la Fontaine 290 pages 20 E
Chaque famille a son histoire, qui n’est point forcément tragique. Ponctuée de naissances et de décès, de fiançailles, d’épousailles, de relevailles, chacune se déroule, trépidante ou ennuyeuse, triste ou heureuse.
Les deux familles Plessis et Farneau évoluent dans des milieux sociaux différents. Elles ne montrent donc pas les mêmes sentiments et les mêmes réactions face aux événements. Cependant le hasard les fait se croiser, parfois sans qu’elles s’en aperçoivent, ne se doutant pas que peut-être plus tard il les réunira.
Les familles sont des personnes. Des mères et des filles, des enfants espiègles ou charmants, des oncles riches ou sans argent, des proches parents qui viennent de loin les jours d’enterrement…
Les personnages des Plessis-Farneau sont fictifs, nés de l’imagination de l’auteur, ainsi que leurs faits et gestes. Leur cadre géographique est décrit. L’époque est datée : des années 1931 à 1940, au fil des dix chapitres du 1er tome de cette saga.
L’auteur, chef de projets industriels, ingénieriste autodidacte, a parcouru de nombreux pays étrangers, en rapportant nombre d’images et d’enseignements. Cependant, ici, c’est au cœur de son pays natal qu’il nous entraîne, dans ces contrées où la Beauce s’entremêle de Hurepoix et de Gâtinais.
EXTRAIT
...Le village de Valpré se plantait sur la pente, rive droite de la Valonne. Entre la rivière et le plateau, vingt mètres plus haut, s'étageaient comme en montagne les maisons et leurs jardins, puis les champs, les bois, enfin quelques rochers. La rive gauche s'étalait dans sa platitude de prés inondables au printemps. Le village, alors, s'y regardait, et ces eaux l'avaient baptisé au fil des siècles : Vauprez, Vaupré, Valpré.
Le lavoir au pied du thalweg de la source, simple abri de quarante pieds sur vingt, portait un vieux toit de petites tuiles en terre cuite du pays. Ça jacassait ferme. Peu de jurons ou de disputes. Les femmes arrivaient avec la brouette, la lessiveuse, le cabas garni de paille et le battoir. Les conversations partaient sur les enfants, l’école, la vie chère, d’où le travail de l’homme et puis sa valeur au boulot, et au lit...
Les voix fortes s‘entendaient parfois de la terrasse du café du Chemin des prés. La mère Sautet, qui le tenait, y disposait ses guéridons ronds et rouillés assez habilement pour en faire profiter un peu ses clients. Ça l’arrangeait bien, d’arrondir sa recette aux heures creuses, car les buées se faisaient généralement le matin. Elle tenait dans sa laide tête un tableau des grandes causeuses dont les vives paroles pouvaient monter jusqu’à ses tables, sachant par avance selon la quinzaine, qui viendra, et les plus aptes à raconter les prouesses de leurs maris

EXTRAIT …On ne sait pourquoi le notaire repoussa le rendez-vous encore une fois. Les deux femmes se rendirent enfin à l’Étude le premier lundi de Juin, difficilement pour Thérèse. En plus d’un chauffeur, c’est la conclusion des affaires qui la portait.
Dans la salle d'attente... Il n'y avait pas de salle d'attente... En tenait lieu un grand espace rectangulaire, froid car haut de plafond, aux murs garnis de meubles cartonniers verts. Trois employés, un homme et deux femmes, y accédaient jusqu'au plus haut par une mince échelle de bois. Les trois machines à écrire crépitaient régulièrement, traçant leurs rafales de formules toutes faites à la face des futurs héritiers.
Maître Pottier, d'âge incertain : trente au visage, cinquante au ventre, les fit entrer dans son bureau par une double porte capitonnée, étanche aux secrets de famille et aux disputes post-mortem. Il les pria de s'asseoir sur les simples chaises ci-disposées tandis qu'il s'enfonçait dans son doux et profond fauteuil de cuir.
Dans cette petite pièce carrée au sol de vieux parquet de chêne bruni, sans fenêtres, basse de plafond et très chauffée, et bien qu'aucun courant d'air n'y put entrer, il portait pourtant le gilet sous son costume épais. Ses mains courtes et potelées fouillèrent rapidement les papiers. Puis il s'exprima comme pour lui seul, de « subrogation » en « de cujus», d' « aliénation » en « preciput »..., nonobstant la difficulté d’assimilation de ses clientes. Elles comprirent cependant qu’un dossier « ab intestat », sans testament, se traitait plus facilement pour un notaire, puisque la loi s’y employait, qu’un dossier testamentaire où s’appliquait une autre loi, celle des familles!

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